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Un dispositif efficace qui a du sens en Seine-Saint-Denis

L'association Les Enfants du Canal, en collaboration avec la commune de Stains en Seine-Saint-Denis, mène un projet d’hébergement et d’accompagnement social à destination de familles vivant en bidonvilles. Entretien avec le coordinateur du projet, Michaël Jacques.

Photo : Nicolas Waltefaugle


Pouvez-vous vous présenter ?


Je m’appelle Michaël Jacques. Je suis salarié de l’association Les Enfants du Canal au poste de chef de projet, co-coordinateur du dispositif Mesnil avec ma collègue Valerica David-Iphaine, qui coordonne l’accompagnement social. Je suis à ce poste depuis 2019. Auparavant, j’étais chargé de mission sur le montage du projet, ce qui m’a permis de voir sa mise en place depuis le début. L’équipe sur site est composée d’intervenantes sociales, d’une animatrice et d’agents d’accueil, mais aussi d’une volontaire en Service civique et de bénévoles, ou encore d’un responsable logistique chargé de la maintenance.


Qu'est-ce que le Mesnil ?


Au départ, il s’agissait d’une volonté, avec la mission campements illicites de la préfecture de région Île-de-France, représentée par Jérôme Normand à l’époque, de mettre en place un dispositif passerelle d’insertion pour des familles, qui fasse de l’accompagnement social global du bidonville vers l’emploi et le logement. Grâce à Romcivic et au projet scolarisation, dispositifs portés par Les Enfants du Canal jusqu’en 2021, on détenait déjà une expertise dans l’accompagnement des personnes en bidonville. La préfecture a proposé à l’association de porter le MESNIL - Mission Expérimentale de Suivi Novateur et d’Insertion par le Logement - en expérimentant et en essayant de répondre aux spécificités de chaque situation. C’était également l’opportunité de voir comment peut se réaliser la construction d’un dispositif inséré dans son environnement, qui allie belle conception architecturale, écologique et projet d’insertion au long cours, au cœur des jardins familiaux de Stains. L’association, motivée par ce projet innovant, a contracté les emprunts nécessaires à la construction du centre d’hébergement et en a été maître d’ouvrage, sur une parcelle mise à disposition par la ville de Stains. Le projet est majoritairement financé par l’Etat sur les crédits du BOP 177. Des financements complémentaires sont sollicités auprès de partenaires privés et de collectivités territoriales. Le dispositif a par ailleurs bénéficié du Fonds social européen en 2020 et 2021.

Photo : Nicolas Waltefaugle


En quoi le dispositif est-il innovant ?


Le volet régional est une de ses spécificités : des ménages d’autres départements franciliens, selon l’adéquation de leur projet avec les objectifs d’accompagnement, peuvent être orientés vers Stains pour une stabilisation en hébergement semi-collectif, même s’ils ont pour la plupart un parcours de vie majoritaire en Seine-Saint-Denis, territoire d’implantation du dispositif. C’est aussi un projet ouvert sur son environnement : l’équipe travaille avec les partenaires locaux (institutions, structures d'insertion par l'activité économique, établissements scolaires, centre municipal de santé, de protection maternelle et infantile, associations…), en appuyant l’accès au droit commun. Surtout, le Mesnil propose un accompagnement global. Les volets administratifs et socio-éducatifs sont variés : ouverture de droits (domiciliation, banque, Assurance maladie, Caisse d'allocations familiales) ; professionnel (emploi, formation) ; scolarité ; accès aux soins et prévention : on fait face à des publics très précaires, ce qui accentue les problématiques de santé ; parentalité, périnatalité, grossesses précoces ; accès au logement social et intermédiaire, « savoir-habiter » ; vie sociale et collective : réunions « mieux-habiter » en vue de la mise en place d’un conseil de vie sociale, « café des parents », groupes de parole de femmes, soutien scolaire, ateliers socio-linguistiques de français, activités lecture et écriture, jardinage, séjours adaptés avec les Scouts et guides de France, accès au numérique, à la culture, au sport et aux loisirs… La dimension architecturale de l’habitat et des bureaux est elle aussi innovante, le bâtiment étant démontable et réversible, avec une conception écologique (matériaux biosourcés, pompes à chaleur réversibles, ballons d’eau chaude thermodynamiques, VMC économes, récupération des eaux de pluie…).

Photo : Nicolas Waltefaugle


Quels sont les temps forts de l’histoire du Mesnil ?


La mise en place à Stains du projet d’accompagnement à la scolarité, débuté lors de l’année scolaire 2015-2016. Le conventionnement pluri-annuel du dispositif entre l’Etat, la ville de Stains et l’association en juillet 2017, pour une durée de cinq ans. La création puis l’ouverture du centre d’hébergement en juillet 2020.


Combien de personnes y sont hébergées actuellement ?


Trente ménages sont hébergés, ce qui est la capacité maximum du Mesnil. Cela représente une centaine de résidents, en évolution selon les entrées et les sorties. En effet, le Mesnil se concentre sur le lieu d’hébergement en stabilisation. L’équipe ne fait pas de maraude et n’intervient pas sur les lieux de vie. Nous intervenons dans l’après. Cette stabilisation des conditions de vie permet de surmonter les difficultés liées aux situations précaires des bidonvilles (insalubrité de l’habitat, instabilité liée aux évacuations répétées, discriminations…). Le centre permet de baliser les parcours d’insertion, d’être un espace ressource. Les familles peuvent y rester jusqu’à deux ans, selon leur temporalité, l’avancée de leurs démarches et la disponibilité de logements permettant une sortie effective.

Photo : Dragan Lekic


Combien de personnes ont pu sortir positivement depuis son existence ?


Près d’une trentaine ménages sont sortis en logement autonome depuis 2017, ce qui représente plus de cent personnes.


Quels seraient vos freins dans vos missions ?


Les familles en grande précarité ont des parcours d’insertion très différents, ce qui implique de mettre en place un accompagnement individualisé. Il faut du temps et des moyens pour bien faire ce travail. C’est la seule façon de faire de bonnes sorties vers le logement et l’emploi durables. Faire de l’accompagnement global n’est pas toujours évident. On peut faire face à des problèmes d’addiction, de santé mentale etc. On doit alors s’appuyer sur des partenaires. Nous avons adapté notre intervention, avec la présence d’un psychologue deux fois par mois par exemple. Le Mesnil est une des réponses aux freins que les acteurs de terrain rencontrent traditionnellement sur les lieux de vie précaires. Par ailleurs, nous hébergeons des ménages arrivant au terme de leur accompagnement, « prêts au relogement », qui attendent des propositions pour pouvoir quitter le centre. Leur maintien en semi-collectif de stabilisation, alors qu’elles sont prêtes et que notre appui n’est parfois plus nécessaire, peut mettre en échec à la fois leur parcours et l’équipe.


Pouvez-vous nous en dire plus sur la journée portes ouvertes a eu lieu récemment ?


Il s’agit du deuxième évènement de ce type, après une première en 2021, à destination des partenaires et des habitants. Cela permet de montrer notre travail, le lieu de vie des familles, pour valoriser les résidents, favoriser les échanges avec les riverains... Nous avons eu de bons retours. Tous sont très contents du dispositif. Régulièrement, des architectes, des collectivités ou des acteurs du secteur social nous rendent visite, souhaitant s’en inspirer pour la mise en place de projets similaires.


Avez-vous des exemples de parcours inspirants de personnes ?


Oui, il y en a beaucoup. Voir des familles parties de loin, ayant vécu en grande précarité pendant de nombreuses années, entrer en logement social, leurs droits ouverts et autonomes dans leurs démarches ; dans l’emploi et la formation, qui apprennent le français, passent de contrats d’insertion à des postes à responsabilité ; à l’école, des enfants assidus qui avancent dans leur scolarité et s’épanouissent… Voir ces familles développer leur pouvoir d’agir, devenir à leur tour des parcours inspirants pour de nouvelles familles accompagnées… Cela fait partie de nos plus grandes satisfactions.

Photo : Dragan Lekic


Quelles sont vos craintes ?


Nos craintes seraient qu’il y ait encore plus de précarité en bidonville et moins de moyens alloués à la résorption. Ne pas pouvoir continuer à faire notre travail d’accompagnement dans de bonnes conditions. Le Mesnil est un formidable outil, qui permet un travail qualitatif parce qu’il est à dimension humaine, avec un ancrage local. C’est un village. Nous sommes convaincus qu’il faudrait d’autre dispositifs comme le nôtre, à différentes échelles, avec des moyens similaires, en prise avec des spécificités territoriales. C’est ainsi que se construisent les réponses les mieux adaptées.


Quelles sont vos prochaines priorités ?


Continuer notre montée en charge, avec l’accompagnement de nouveaux ménages dans leur parcours d’insertion. Stabiliser le dispositif. En effet, l’ouverture du centre d’hébergement en pleine pandémie a été particulière, on ne voit que depuis l’année dernière le fonctionnement optimal de ce que peut être le Mesnil. Renouveler la convention pluri-annuelle avec l’Etat, afin d’avoir une vision des moyens dont nous disposerons pour mener à bien notre mission et sécuriser le dispositif pour les cinq prochaines années. Avoir plus d’attributions de logement, pour une meilleure fluidité du dispositif.


Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?


Je souhaite valoriser le travail de la DIHAL sur ces questions. Elle finance le projet bien sûr, mais elle joue surtout le rôle d’institution ressource sur la question des bidonvilles, pour l’ensemble des acteurs opérationnels avec lesquels nous collaborons, et qui sont autant d’acteurs impliqués pour faire avancer les droits des personnes en précarité, vivant ou ayant vécu en bidonville.




Pôle Résorption des bidonvilles

Délégation interministérielle à l'hébergement

et à l'accès au logement

Grande Arche de la Défense

92 055 LA DEFENSE Cédex

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